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— En supposant que vous le fussiez, je ne sais s’il me serait possible de me priver de vous ; vous êtes trop nécessaire à Hartfield.

— Où je suis parfaitement heureuse ! Mme Goddard serait bien surprise si elle apprenait ce qui est arrivé ; je suis sûre que Mlle Nash ne s’expliquerait pas mon refus : elle qui considère que sa sœur a fait un excellent mariage en épousant un marchand de drap.

— Il serait fâcheux, Harriet, qu’une maîtresse d’école nourrisse des ambitions exagérées. Mlle Nash, sans aucun doute, considérerait cette conquête comme très flatteuse. Elle ne saurait imaginer rien de mieux pour vous. Les attentions d’une certaine personne ne doivent pas encore avoir transpiré à Highbury et nous sommes, je pense, les seules à soupçonner la vérité.

Harriet sourit et rougit ; elle manifesta son étonnement de l’affection qu’elle semblait inspirer. Après quelque temps, toutefois, elle sentit sa compassion pour M. Martin se réveiller.

— Maintenant il a reçu ma lettre… ses sœurs doivent être au courant : s’il est malheureux, elles seront malheureuses aussi. J’espère qu’il ne sera pas trop déçu.

— Et moi, reprit Emma, j’imagine qu’en ce moment M. Elton est occupé à montrer votre portrait à sa mère et à ses sœurs ; il proteste que l’original est beaucoup plus charmant encore, et cédant à leurs instances il leur confie votre nom.

— Mon portrait ! Mais il l’a laissé dans Bond Street.

— Vous croyez ? Non, ma petite Harriet, quoiqu’il en coûte à votre modestie, apprenez que votre portrait ne sera sans doute déposé chez l’encadreur de Bond Street que demain au moment du départ. Ce soir, il tiendra compagnie à M. Elton, qui choisira ce prétexte pour mettre sa famille au courant de ses projets, pour vous présenter à elle, pour vous faire connaître les principaux attraits de votre personne. Quelle curiosité sa confidence a dû susciter ! J’entends d’ici les interrogations et les cris de surprise !

Cette gracieuse évocation amena sur les lèvres d’Harriet un sourire plus assuré.

(À suivre.)