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jeter de l’eau froide à tout propos. C’est bien désagréable ! Je ne regrette pas d’avoir donné mon opinion sur la femme de charge l’autre jour. Quelle idée de vivre ensemble ! C’est une tentative téméraire. Je connais une famille près de Maple Grove qui a cherché à mettre en pratique un arrangement de ce genre et qui a dû y renoncer au bout de trois mois !




LIII


Les jours passaient ; les John Knightley et Henriette étaient à la veille d’arriver. C’était une perspective alarmante et Emma, en y pensant un matin, réfléchissait aux inconvénients du retour de son amie. M. Knightley entra sur ces entrefaites et elle mit de côté les pensées tristes. Après quelques minutes de conversation enjouée, il se tut et reprit ensuite sur un ton plus sérieux :

— J’ai quelque chose à vous dire, Emma ; une nouvelle à vous annoncer.

— Bonne ou mauvaise ? dit-elle en le regardant en face.

— Je ne sais trop.

— Bonne, j’en suis sûre. Je le vois à votre visage. Vous vous efforcez de ne pas sourire.

— Je crains, dit-il, ma chère Emma, que vous ne souriiez pas quand vous la connaîtrez.

— Vraiment ! mais pourquoi ? Je puis difficilement imaginer qu’une chose qui vous contente ne me satisfasse pas aussi.

— Il y a un sujet sur lequel nos avis diffèrent. Il s’agit d’Henriette Smith.

Emma rougit en l’entendant prononcer ce nom et appréhenda quelque fâcheuse révélation.

— Vous avez sans doute reçu une lettre vous-même ?

— Non, du tout. Je ne sais rien. Je vous en prie, mettez-moi au courant.

— Je vois que vous vous attendez au pire. Voici : Henriette Smith épouse Robert Martin.


(À suivre.)