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— Ce n’est pas mon avis. La nature vous avait donné l’intelligence ; Mlle Taylor vous enseignait les bons principes, vous deviez forcément obtenir un heureux résultat. Mon intervention aura été plus nuisible qu’utile. Vous vous demandiez avec raison de quel droit je vous chapitrais. Ma surveillance a surtout servi mes propres intérêts : à force de penser à vous, sous prétexte de m’occuper de vos défauts, je suis devenu amoureux.

— Et moi je suis sûre que vous m’avez été utile ; je subissais votre influence sans vouloir me l’avouer. Si la pauvre petite Anna Weston doit être gâtée, vous ferez œuvre pie en lui faisant subir un traitement identique, à l’exception pourtant de vous attacher à elle, quand elle sera plus grande !

— Combien de fois dans votre enfance, vous êtes-vous approchée de moi d’un air futé pour me dire : « Monsieur Knightley, je vais faire telle ou telle chose ; papa m’a donné l’autorisation », ou bien : « Mlle Taylor me l’a permis ». Il s’agissait bien entendu d’un acte que je désapprouvais.

— Quelle douce créature j’étais ! Je ne m’étonne pas que vous conserviez un souvenir aussi précis de mes discours.

— Vous m’avez toujours appelé M. Knightley et l’habitude ne me fait plus paraître cette appellation si cérémonieuse, mais elle l’est. Je voudrais que vous me donniez un autre nom.

— Je me souviens vous avoir appelé une fois Georges dans l’espoir de vous être désagréable ; mais comme vous n’avez rien dit et que vous n’avez pas paru vous en apercevoir, je n’ai pas recommencé !

— Et ne pouvez-vous maintenant dire Georges pour m’être agréable ?

— Impossible. Je ne pourrai jamais vous nommer autrement que M. Knightley. Je vous promets cependant, ajouta-t-elle en rougissant, de vous appeler une fois par votre nom de baptême. Je ne vous fixerai pas le jour, mais il