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prévoyance ; mais comme il est indubitablement attaché à Mlle Fairfax et qu’il aura bientôt l’avantage de vivre continuellement avec elle, je suis tout disposé à croire qu’il s’amendera. Au contact de sa femme, il acquerra la délicatesse et le sérieux qui lui font défaut. Et maintenant, permettez-moi de changer de conversation. J’ai, pour le moment, l’esprit si occupé de l’intérêt d’une autre personne que j’accorde malaisément mon attention à Frank Churchill. Depuis ce matin, je médite un plan que je veux vous soumettre. Il s’agit de trouver le moyen de faire ma demande en mariage sans attenter au bonheur de votre père.

La réponse d’Emma était toute prête :

— Tant que mon père vivra, il ne peut être question d’un changement ; je ne le quitterai jamais.

— Je comprends et j’approuve les sentiments qui inspirent votre résolution, reprit M. Knightley ; toutefois, cette condition ne me paraît pas incompatible avec mon désir. J’avais d’abord songé à demander à M. Woodhouse d’émigrer avec vous à Donwell ; mais je connais trop votre père pour m’être arrêté longtemps à ce projet : une transplantation de ce genre compromettrait le confort de votre père et peut-être même sa santé. Je me suis, en revanche arrêté à un projet que je crois réalisable : je sollicite le bonheur d’être admis à Hartfield !

Emma, de son côté, avait eu dès le début la pensée d’un exode général à Donwell ; mais, comme lui, après réflexion, elle en avait reconnu l’impossibilité ; elle n’avait pas envisagé la seconde alternative, et elle fut extrêmement touchée de cette preuve évidente d’affection. En abandonnant Donwell, M. Knightley sacrifiait nécessairement une grande partie de son indépendance d’heures et d’habitudes, et sa patience serait sans doute mise plus d’une fois à l’épreuve, au contact journalier de M. Woodhouse.

— Comment ne souscrirai-je pas, dit-elle, à un arrangement qui satisfait toutes les aspirations de mon cœur ? Néanmoins, je ne suis pas