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dans son intérieur, livrée à ses occupations familières, pour l’apprécier à sa valeur. Combien d’hommes se sont engagés dans ces conditions et l’ont regretté toute leur vie !

Mlle Fairfax avait écouté avec attention, et quand il se tut, elle dit :

— Croyez-vous ?…

Elle hésita et s’arrêta un instant.

— Vous disiez ? dit-il d’un ton sérieux.

— En principe, votre remarque est juste, reprit-elle, mais les conséquences d’un attachement hâtif et imprudent ne me paraissent pas devoir être aussi funestes que vous le prétendez. Seuls les caractères faibles et irrésolus – qui sont, à tout moment, les jouets du hasard – permettent à une connaissance malheureuse de devenir une oppression pour toute la vie.

Frank Churchill ne répondit pas directement, mais il s’inclina en signe d’acquiescement. Peu à peu il perdit son air compassé.

— Eh bien ! dit-il gaiement, pour ma part je n’ai aucune confiance dans mon propre jugement et le moment venu, je compte m’en remettre à celui d’autrui. Voulez-vous vous charger, Mlle Woodhouse, de me choisir une femme ? Je sais combien vous avez la main heureuse, ajoutait-il en souriant à son père, je ne suis pas pressé ; faites votre choix et dirigez l’éducation de la jeune personne.

— Dois-je comprendre que vous la désirez à mon image ?

— Naturellement, si c’est possible ! Je compte voyager pendant deux ou trois ans et à mon retour je reviendrai chercher ma femme !

— Maintenant, Madame, dit Jane à sa tante, si vous voulez bien, nous pourrions rejoindre Mme Elton ?

— Parfaitement ma chère, je suis prête ; il nous sera facile de la rattraper. La voici… Non, ce n’est pas elle… Eh bien vraiment…

Elles s’éloignèrent en compagnie de M. Knightley.

M. Weston, Frank Churchill, Emma et Henriette demeurèrent seuls. La vivacité du jeune homme ne fit que croître, au point de devenir