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— Au moment où je m’apprêtais à me mettre en route, dit-il en s’asseyant, ma tante a été prise d’une crise nerveuse qui a duré plusieurs heures ; j’avais d’abord renoncé à ma visite, mais, à la suite d’un mieux sensible chez la malade, je me suis décidé à monter à cheval. Toutefois, si j’avais prévu la température à laquelle j’allais être exposé et que j’arriverais trop tard, je ne serais pas venu. La chaleur est excessive ; je puis supporter n’importe quel degré de froid, mais la chaleur m’accable.

— Vous serez bien vite rafraîchi, répondit Emma, si vous restez assis tranquillement.

— Dès que j’aurai moins chaud, je m’en irai. Il m’a été très difficile de me rendre libre, mais mon père avait tant insisté dans sa lettre !… Vous allez, du reste, tous partir bientôt je suppose ; j’ai rencontré une des invitées sur la route ; par un temps pareil, c’est de la folie, de la folie pure !

Emma l’écoutait parler avec surprise et s’étonnait d’un pareil accès de mauvaise humeur. Certaines personnes deviennent irritables, quand elles ont chaud : évidemment Frank Churchill faisait partie de cette catégorie.

— Vous trouverez dans la salle à manger, reprit-elle, un excellent déjeuner, et cela vous fera du bien.

— Non, je n’ai pas faim ; je vous remercie… je préfère rester ici.

Deux minutes après, néanmoins, il changea d’avis et se dirigea vers la salle à manger, sous le prétexte de boire un verre de bière. Emma se retourna vers son père et se consacra de nouveau à lui. « Je suis heureuse, pensait-elle, de n’avoir plus d’inclination pour lui ; je ne pourrais aimer un homme qu’un peu de soleil suffit à mettre hors de lui ! »

Frank Churchill demeura absent assez longtemps pour avoir été à même de prendre un repas très confortable et revint en bien meilleur état, ayant retrouvé ses bonnes manières ; il approcha une chaise, prit intérêt à leurs occupations et exprima d’une façon raisonnable son regret d’être arrivé si tard. M. Woodhouse était en train de regarder des vues de Suisse.

— Dès que ma tante ira mieux, dit-il, j’irai à l’étranger ; je n’aurai de repos que je n’aie vu