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Weston, je serais heureux de vous obéir en toute autre occurrence, mais j’ai renoncé à la danse.

Mme Weston n’ajouta rien et Emma, qui avait entendu le dialogue, se rendit compte combien avaient dû être grandes la surprise et la mortification de son amie. Elle se retourna et vit M. Elton s’approcher de M. Knightley et se préparer à une conversation suivie ; elle surprit en même temps des sourires d’intelligence entre lui et sa femme. Elle détourna la tête, tremblant intérieurement et craignant que sa figure ne la trahît.

L’instant d’après, un spectacle réconfortant frappa son regard : M. Knightley donnait la main à Henriette Smith pour la conduire au milieu du salon. Jamais elle n’avait été plus surprise et rarement plus heureuse ! Elle était trop loin pour parler à M. Knightley mais à la première opportunité elle mit toute sa reconnaissance et son plaisir dans un regard et un sourire.

Il dansait extrêmement bien, comme elle l’avait supposé, Henriette était triomphante et semblait ne pas toucher terre. M. Elton, étonné et confus, s’était retiré dans la salle de jeu, ne sachant plus quelle contenance tenir.

Peu après, le souper fut annoncé, et on se prépara à passer dans la salle à manger. Depuis ce moment jusqu’à celui où elle leva sa cuillère, Mlle Bates ne cessa de se faire entendre :

— Jane, où êtes-vous ? Voilà votre collet. Mme Weston vous prie de le mettre ; elle a peur des courants d’air dans le couloir ; pourtant, toutes les mesures de précaution ont été prises : une porte a été clouée et tout a été rembourré. Ma chère Jane, il faut absolument couvrir vos épaules. Monsieur Churchill, vous êtes trop bon ; votre opportune intervention a assuré le succès de mes efforts ! Elle est maintenant à l’abri du froid. Oui, ma chère, comme je vous l’avais dit, j’ai couru jusqu’à la maison pour aider grand’mère à se coucher, et me voici de retour : personne ne s’est aperçu de mon absence. Grand’mère était très bien, elle a passé une agréable soirée avec M. Woodhouse : une longue causerie et une émouvante partie de trente et un ; elle a eu une chance extraordinaire, elle s’est beaucoup informée de vous et elle désirait savoir avec qui vous dansiez. « Oh ! » dis-je « je ne veux pas enlever à Jane le plaisir de vous raconter demain tous les