Elton prirent place à la table de jeu pour faire la partie de M. Woodhouse. Les cinq autres convives furent laissés à leurs propres ressources et Emma craignit que la conversation ne devînt languissante : M. Knightley, en effet, semblait peu disposé à faire des frais et Mme Elton, malgré ses efforts, ne parvenait pas à accaparer l’attention d’un des deux frères.
Finalement, M. John Knightley qui devait partir le lendemain de bonne heure, fit preuve de bonne volonté et dit :
— Eh bien ! Emma, je ne vois pas grand’chose à ajouter concernant les garçons, mais vous avez la lettre de votre sœur et vous y trouverez, sans aucun doute, des instructions détaillées. Mes recommandations seront beaucoup plus brèves et probablement assez différentes ; elles se réduisent à ceci : « Ne les gâtez pas et ne les droguez pas. »
— J’espère vous satisfaire l’un et l’autre, répondit Emma, je ferai tous mes efforts pour les rendre heureux, selon le vœu d’Isabelle ; d’autre part, le bonheur exclut naturellement l’indulgence excessive et les remèdes.
— Si vous les trouvez encombrants, vous n’aurez qu’à me les renvoyer.
— Vous n’envisagez pas sérieusement, je suppose, cette possibilité ?
— Mais si : ils feront peut-être trop de bruit et fatigueront votre père ; ils peuvent même vous devenir à charge à vous-même, pour peu que vos engagements mondains continuent à suivre une progression ascendante.
— Comment l’entendez-vous ?
— Vous devez vous rendre compte que, depuis six mois, votre train de vie s’est beaucoup modifié.
— Je ne m’en suis jamais aperçue.
— Moi, pourtant, j’en ai eu la preuve : je viens passer une journée à Hartfield et je tombe sur un dîner. Votre voisinage augmente et vos connaissances s’étendent.