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suffisantes pour la vie de campagne ; une femme ne saurait en avoir trop et je suis heureuse d’être si bien partagée sous ce rapport et de me sentir indépendante du monde.

— Frank a déjà passé quinze jours avec nous, au mois de février.

— Je le sais. Il trouvera la société d’Highbury augmentée d’une unité, si je ne suis pas trop présomptueuse dans mes évaluations ! Mais, peut-être, ignore-t-il l’existence d’une Mme Elton !

Cet appel à un compliment était trop direct pour pouvoir être négligé et M. Weston répondit immédiatement de fort bonne grâce :

— Ma chère madame ! Il n’y a que vous au monde pour imaginer une chose pareille. J’ai d’excellentes raisons de croire que les dernières lettres de Mme Weston sont pleines de détails vous concernant. Quand Frank nous a quittés, continua-t-il, la date de son retour demeurait tout à fait incertaine ; il n’osait rien affirmer et Mme Weston se montrait très pessimiste. Comment, disait-elle, pouvait-on supposer que son oncle et sa tante consentiraient à se séparer de leur neveu une seconde fois ? etc. Pour ma part je n’ai jamais douté qu’au bout de peu de temps les circonstances ne rendissent possible un nouveau déplacement, et mes prévisions, vous le voyez, se sont réalisées. J’ai souvent observé, Madame Elton, que si les choses ne marchent pas à notre gré pendant un mois, elles reprennent invariablement un cours favorable le mois suivant.

— Je partage votre avis, monsieur Weston ; c’est précisément ce que je disais à un certain monsieur de ma connaissance, au temps de nos fiançailles ; à un moment donné, diverses formalités ayant traîné en longueur, il assurait que dans ces conditions je ne serais pas en mesure de revêtir la tunique safran de l’hymen avant la fin de mai ! Que d’éloquence j’ai dû déployer pour dissiper ces idées tristes et lui faire envi-