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— À mon avis, l’écriture en question ne manque aucunement de force ; elle est fine, mais très nette et d’une jolie allure. Si nous étions dans l’autre salon où se trouve mon bureau, je pourrais fournir un spécimen à l’appui de mon dire. J’ai une lettre écrite de la main de M. Frank Churchill. Ne vous rappelez-vous pas Mme Weston vous être un jour servie de lui comme secrétaire ?

— Dites plutôt que Frank a tenu à prendre cette qualité.

— Quoi qu’il en soit, j’ai la lettre et je la montrerai après dîner pour convaincre M. Knightley.

— C’est là un document qui me paraît peu probant, reprit sèchement M. Knightley, le jeune homme a dû apporter à la rédaction du billet qui vous était destiné, un soin particulier ; dans cette condition toute spontanéité disparaît et l’interprétation graphique ne peut donner aucun résultat !

Le dîner fut annoncé. Mme Elton se leva aussitôt et sans laisser à M. Woodhouse le temps de s’approcher d’elle pour lui demander l’autorisation de la conduire dans la salle à manger, elle dit :

— Dois-je marcher la première ? Je suis honteuse de toujours montrer le chemin !

L’inébranlable résolution avec laquelle Jane Fairfax avait défendu sa prérogative d’aller elle-même chercher ses lettres à la poste n’avait pas échappé à Emma. Celle-ci aurait voulu savoir si la promenade du matin avait eu un résultat. Il lui semblait probable en effet que le mauvais temps n’aurait pas été si délibérément affronté sans la certitude de trouver une lettre attendue avec impatience. Cette supposition se trouvait confirmée par l’apparence de Jane ; la physionomie de la jeune fille respirait la satisfaction, son teint éblouissant témoignait d’une santé raffermie, son humeur enjouée d’une animation exceptionnelle.

Emma aurait pu pour s’éclairer demander au moment opportun quelques informations concernant le service de la malle d’Irlande – la