Page:Austen - Emma.djvu/245

Cette page a été validée par deux contributeurs.

de M. John Knightley ne tardèrent pas à dissiper les regrets d’Emma.

À l’heure dite les invités étaient réunis. M. John Knightley paru s’appliquer à se rendre aimable dès le début : au lieu d’attirer son frère dans l’embrasure d’une fenêtre, il se mit à parler avec Mlle Fairfax : il l’avait rencontrée, en rentrant de la promenade avec ses petits garçons ; la pluie commençait à tomber et il s’informa si elle avait été mouillée :

— J’espère, dit-il, que vous ne vous êtes pas aventurée loin, Mlle Fairfax, ce matin ; vous êtes sans doute retournée sur vos pas ?

— Je n’ai été qu’à la poste, dit-elle, et je suis rentrée avant l’averse. C’est ma course quotidienne ; je vais toujours chercher les lettres quand je suis ici. J’ai ainsi une raison pour sortir ; la marche avant le déjeuner me fait du bien.

— Pas sous la pluie pourtant !

— Non ! Mais il ne pleuvait pas véritablement quand je suis sortie.

M. John Knightley sourit et reprit :

— Vous voulez dire que vous étiez résolue à prendre l’air, car vous ne vous trouviez pas à six mètres de votre porte et les garçons avaient renoncé depuis longtemps à compter les gouttes de pluie ! La poste exerce une grande attraction à une certaine période de l’existence ; mais, quand vous aurez mon âge, vous n’affronterez plus le mauvais temps pour aller chercher des lettres, elles ne valent jamais le dérangement.

Elle rougit un peu et répondit :

— Je n’ai pas le droit d’espérer passer ma vie au milieu de ceux qui me sont le plus chers et, en conséquence, je ne prévois pas que les années puissent me rendre indifférente à ma correspondance.

— Ce n’est pas de l’indifférence que je ressens pour les lettres, c’est une véritable aversion.

— Vous pensez aux lettres d’affaires ; en l’occurrence, il s’agit d’amitié.

— Je préfère les premières ; parfois elles contiennent de l’argent !