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— Il nous faut donc renoncer à notre pauvre bal ?

— Ah ! Pourquoi avons-nous tant attendu ? Que n’avons-nous saisi le plaisir lorsqu’il était à portée. Vous l’aviez prédit ! Hélas ! Vous avez toujours raison.

— Je regrette bien d’avoir eu raison ; j’aurais de beaucoup préféré être heureuse que perspicace.

— De toute façon le bal aura lieu ; mon père compte bien que ce n’est que partie remise. N’oubliez pas votre promesse.

Emma sourit gracieusement.

— Chaque journée augmentait mon regret de partir. Heureux ceux qui restent à Highbury !

— Puisque vous nous jugez si favorablement à présent, dit Emma, je me permettrai de vous demander si vous n’étiez pas à un moment donné, un peu prévenu contre nous ? Vous vous seriez décidé à venir depuis longtemps si vous aviez eu une bonne opinion de Highbury.

Il se mit à rire en protestant contre cette allégation.

— Et il faut que vous partiez ce matin ?

— Oui, mon père doit me rejoindre ici ; nous rentrerons ensemble et je me mettrai en route sur l’heure. Je crains de le voir arriver d’un instant à l’autre.

— Quoi ! Vous n’aurez même pas cinq minutes à consacrer à vos amies, Mlle Fairfax et Mlle Bates ? C’est bien fâcheux ! L’immuable logique de Mlle Bates aurait pu avoir une bonne influence sur votre esprit à cette heure de désarroi !

— J’ai déjà pris congé de ces dames ; en passant devant la porte je suis entré comme il convenait. Je voulais rester trois minutes, mais j’ai été forcé de prolonger ma visite et d’attendre le retour de Mlle Bates qui était sortie ; c’est une femme dont il est difficile de ne pas se moquer,