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charme au rôle de spectateur ; du reste, la plupart de ceux qui ne prennent pas une part active au bal partagent mon indifférence : bien danser procure sans doute une satisfaction intérieure comme la vertu !

Hélas ! toute raison de divergence avec M. Knightley devait bientôt disparaître : après deux jours d’une fausse sécurité, Frank Churchill reçut une lettre de son oncle le priant de revenir sans délai : « Mme Churchill était très malade ; déjà fort souffrante en répondant à son neveu, elle n’avait pas voulu, dans son désir de lui éviter un désappointement, faire allusion à son état de santé. »

Emma fut aussitôt mise au courant par un billet de Mme Weston : « Frank ira à Highbury après déjeuner prendre congé de ses amis. Vous le verrez d’ici peu à Hartfield. »

Cette triste communication mit fin au déjeuner d’Emma ; ses regrets étaient proportionnés au plaisir qu’elle s’était promis de cette fête.

Les sentiments de M. Woodhouse étaient très différents : il se préoccupait particulièrement de la maladie de Mme Churchill et aurait voulu savoir le traitement qu’elle suivait.

Frank Churchill se fit un peu attendre ; il arriva enfin : la tristesse et l’abattement étaient peints sur son visage ; après les salutations d’usage, il s’assit et garda le silence pendant quelques instants ; mais il dit :

— Je ne m’attendais pas à vous dire adieu aujourd’hui !

— Mais vous reviendrez, dit Emma, ce ne sera pas votre seule visite à Randalls ?

— Je ferai certainement tout mon possible ; ce sera ma préoccupation continuelle et si mon oncle et ma tante vont au printemps à la ville… Mais j’ai bien peur que ce soit une habitude perdue : l’année dernière ils n’ont pas bougé.