Au bout de cinq minutes, on proposa de danser et M. et Mme Cole se hâtèrent de faire dégager la pièce. Mme Weston, incomparable pour la musique de danse, entama une valse irrésistible ; Frank Churchill s’approchant d’Emma le plus galamment du monde l’invita et la conduisit au milieu du salon. Emma trouva le temps, en dépit des compliments que son partenaire lui débitait sur la manière dont elle avait chanté, d’observer Knightley ; ce dernier ne dansait pas en général et, s’il invitait Jane Fairfax, cette avance aurait une véritable signification.
Pour le moment, M. Knightley parlait à Mme Cole et ne paraissait prendre aucun intérêt à ce qui se passait autour de lui. Jane fut invitée sans qu’il y prêtât attention. Emma interpréta cette abstention comme un présage favorable et se sentit rassurée sur l’avenir du petit Henri ; elle avait un cavalier digne d’elle et s’élança sans arrière-pensée. On était parvenu à rassembler cinq couples, nombre respectable étant donné le caractère impromptu de la sauterie. Il fallut malheureusement s’arrêter au bout de deux danses ; il se faisait tard et Mlle Bates commença à être inquiète de sa mère. Après quelques essais infructueux pour prolonger la soirée, on dut se résigner à clore la fête.
— C’est mieux ainsi, dit Frank Churchill en mettant Emma en voiture, j’aurais été obligé d’inviter Mlle Fairfax et sa danse languissante m’eut paru bien fade après la vôtre.
XXVII
Emma ne regretta pas d’avoir eu la condescendance d’aller chez les Cole. Cette soirée lui laissa d’agréables souvenirs pour le lendemain, et si elle devait perdre une partie de son prestige de recluse volontaire, elle avait, en revanche,