Page:Austen - Emma.djvu/187

Cette page a été validée par deux contributeurs.

FEUILLETON DU JOURNAL DES DÉBATS

du 20 juillet 1910 [32]




EMMA


par Jane Austen


───


Traduction de M. PIERRE DE PULIGA


────

L’influence de Frank Churchill à Enscombe était évidemment considérable ; il ne s’en vantait pas mais il était facile de deviner qu’il devait avoir réussi à persuader sa tante où son oncle avait échoué : elle le lui fit observer et il avoua qu’en effet, sauf sur une ou deux questions, il était à même avec le temps d’arriver à ses fins. Il mentionna ensuite un des points faibles de sa tyrannie.

— J’ai fait l’année dernière tous mes efforts pour obtenir l’autorisation de voyager à l’étranger, mais ma tante est restée inflexible. Maintenant je n’éprouve plus ce désir.

Emma pensa que le second point où il ne lui était pas possible de faire prévaloir sa volonté devait concerner ses rapports avec son père, mais il n’y fit pas allusion.

— J’ai fait une triste découverte, dit-il après une pause. Je suis ici depuis une semaine : c’est la moitié de mon séjour. Jamais le temps ne m’a semblé fuir plus vite. J’ai horreur d’y penser.

— Peut-être regrettez-vous maintenant, reprit Emma malicieusement, d’avoir consacré une journée entière aux soins de votre chevelure ?

— Non, reprit-il en riant, je n’éprouve pas de remords à ce sujet ; je ne trouve en effet aucun plaisir à la compagnie de mes amis si je ne me sens pas à mon avantage :

Tous les hommes étaient maintenant de retour au salon, et Emma se trouva obligée de prêter l’oreille aux propos de M. Cole ; au bout de cinq minutes ce dernier s’éloigna et elle put


Reproduction interdite.