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de M. Elton avaient calmé l’agitation occasionnée par la rencontre avec les Martin ; le chagrin causé par la nouvelle des fiançailles était passé au second plan à la suite d’une visite faite par Elisabeth Martin chez Mme Goddard peu de jours après ; Henriette n’était pas là mais une lettre avait été laissée pour elle, écrite dans un style propre à la toucher : quelques reproches mélangés à beaucoup d’affection et de bonté. Pendant le séjour de M. Elton à Highbury, les Martin avaient de nouveau été oubliés. Emma jugea opportun, le jour du départ pour Bath, de proposer à Henriette de rendre la visite à Elisabeth Martin.

Emma avait réfléchi longtemps sur la meilleure manière de répondre aux avances de Mlle Martin : d’une part il ne fallait pas faire un affront à la mère et aux sœurs en ne tenant aucun compte de l’invitation reçue ; d’autre part il convenait d’éviter à tout prix le danger d’une nouvelle rencontre avec le jeune homme. Finalement elle prit le parti de conduire elle-même Henriette en voiture jusqu’à Abbey Mill ; elle l’y déposerait et repasserait ensuite la chercher assez tôt pour ne pas laisser le temps aux sujets dangereux d’être abordés ; ce serait l’indication bien nette du degré d’intimité qui restait possible dorénavant.

Elle ne put trouver une combinaison meilleure et tout en reconnaissant qu’il s’y mêlait une certaine dose d’ingratitude, elle l’adopta afin de sauvegarder l’avoir de son amie.




XXIII


Il avait été convenu qu’Emma viendrait prendre son amie chez Mme Goddard. Ce matin-là Henriette ne se sentait guère en train : une heure auparavant, sa mauvaise étoile l’avait conduite à l’endroit précis où, au même moment, une malle portant la suscription : – le révérend Philippe Elton, au Grand Cerf, Bath – était hissée dans la voiture du boucher chargé de la transporter jusqu’à la diligence. Tout dans sa pensée se confondait : le souvenir de la malle et de l’adresse surnageait seul.