Page:Austen - Emma.djvu/155

Cette page a été validée par deux contributeurs.

La charmante Augusta Hawkins, outre ses avantages physiques, possédait une fortune d’environ deux cent cinquante mille francs. La conquête de cette héritière avait été facile et le récit circonstancié que M. Elton dut faire à Mme Cole des diverses phases de cette idylle, tourna tout à son honneur ; depuis la rencontre accidentelle à un dîner chez Mme Green jusqu’à la soirée chez M. Brown, sourires et rougeurs s’étaient succédé de plus en plus conscients ; la jeune fille avait été si soudainement impressionnée, elle s’était montrée si bien disposée que la vanité et l’esprit pratique de M. Elton avaient été également comblés. Il avait conquis à la fois la proie et l’ombre : l’argent et l’amour ! Aussi s’estimait-il parfaitement heureux, il parlait surtout de lui-même et de ses propres affaires, s’attendait à être félicité et acceptait les compliments avec condescendance ; il distribuait maintenant sans arrière-pensée à tous et à toutes ses plus aimables sourires.

Le mariage devait avoir lieu à brève échéance, les intéressés étant tous deux indépendants. Quand M. Elton repartit pour Bath, l’opinion générale décréta – et le silence diplomatique de M. Cole ne semblait pas y contredire – qu’il reviendrait marié.

Pendant le court séjour de M. Elton à Highbury, Emma l’avait rencontré une seule fois ; ce fut assez pour acquérir la certitude que les derniers événements ne l’avaient pas amélioré : il avait pris un air gourmé et prétentieux et Emma s’étonna d’avoir pu a aucun moment le trouver agréable. À dire vrai, la personne de M. Elton lui suggérait les plus pénibles souvenirs et elle eût été heureuse – excepté au point de vue moral, en manière de pénitence, comme un perpétuel rappel à l’humilité – de ne plus le voir jamais ; elle souhaitait le bonheur du jeune ménage, mais ce bonheur transporté à une vingtaine de lieues lui eût procuré une satisfaction sans mélange. Toutefois, elle se rendait compte que l’inconvénient de la perma-