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ensuite parvenue à rassurer ma mère, mais je ne comprends pas comment j’ai pu être aussi inconséquente. Si Jane ne se remet pas de suite, nous ferons venir M. Perry ; il est si généreux et si affectionné à Jane que, probablement, il n’aura pas l’intention de prendre des honoraires pour ses soins, mais nous ne le souffrirons pas ; il a une femme et des enfants à entretenir et il n’est pas juste qu’il gaspille son temps. Eh bien, maintenant que je vous ai donné une idée sommaire de la lettre de Jane, je vais vous la lire, ce qui sera beaucoup plus intéressant.

— Je crains que nous ne soyons forcées de nous sauver, dit Emma en jetant un coup d’œil à Harriet et en se levant, mon père nous attend ; je n’avais pas l’intention, je ne pensais même pas avoir la possibilité de rester plus de cinq minutes. Je suis entrée parce que je n’ai pas voulu passer votre porte sans prendre des nouvelles de Mme Bates, mais le temps a passé si agréablement que j’ai oublié ma résolution. Il nous faut pourtant vous dire au revoir, à vous et à Mme Bates.

Malgré les plus vives instances, Mlle Bates ne parvint pas à retenir Emma ; celle-ci, une fois dehors, ne dissimula pas sa satisfaction d’avoir échappé, à la lecture in extenso de la lettre préalablement résumée !




XX


Jane Fairfax était orpheline : c’était l’unique enfant de la plus jeune fille de Mme Bates. Le mariage du lieutenant Fairfax et de Mlle Jane Bates avait eu son heure de célébrité et de joie ; ce n’était plus aujourd’hui qu’un souvenir de deuil : lui était mort aux colonies et peu après sa veuve était morte de chagrin à son tour.

La petite Jane avait trois ans quand elle perdit sa mère ; elle devint la consolation de sa grand’mère et de sa tante et tout semblait présager qu’elle était fixée à Highbury pour la vie ; mais l’intervention d’un ami de son père modifia sa destinée ; le colonel Campbell tenait en grande estime le lieutenant Fairfax et, de plus, il considérait devoir la vie aux soins dont son compagnon d’armes l’avait entouré pendant les