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banale répétée à deux reprises avant que la vieille dame pût en saisir le sens. Pendant ce temps, elle réfléchissait à la manière d’échapper, sans paraître impolie, à la lecture de la lettre, et elle était sur le point de formuler une excuse quelconque et de se retirer quand Mlle Bates se retourna soudainement vers elle et reprit :

— La surdité de ma mère est insignifiante comme vous pouvez le constater : il suffit d’élever la voix et de répéter deux ou trois fois la phrase pour qu’elle entende ; il est vrai qu’elle est accoutumée à ma voix. Pourtant, chose curieuse, elle entend toujours Jane mieux que moi : Jane parle si distinctement ! Celle-ci ne trouvera pas sa grand’mère plus sourde qu’il y a deux ans ; on ne saurait désirer mieux, à l’âge de ma mère ; et il y a réellement deux ans, vous savez que Jane n’est venue ici. Jamais nous n’avions été si longtemps sans la voir et, comme je disais à Mme Cole, je ne sais pas comment nous ferons pour lui témoigner tout notre plaisir.

— Est-ce que vous attendez Mlle Fairfax ?

— Mais oui : la semaine prochaine.

— Vraiment ! Ce sera une vraie joie pour vous.

— Tous nos amis sont surpris et nous témoignent le même intérêt. Je suis sûre que Jane sera aussi heureuse de retrouver ses amis d’Highbury que ceux-ci pourront l’être. Elle arrivera vendredi ou samedi ; elle ne peut préciser, le colonel ayant lui-même besoin de la voiture un des deux jours : les Campbell sont assez bons pour la faire conduire jusqu’ici ! C’est ce qu’ils font toujours du reste. Voilà la raison qui lui a fait écrire aujourd’hui : hors de règle, comme nous disons ; en temps ordinaire, nous n’aurions pas reçu de nouvelles avant mardi ou mercredi.

— C’est ce que je pensais ; je n’espérais pas