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les remparts de la cité impériale. Non moins forte, et coulant sans bruit à travers de grasses campagnes, l’heureuse Alisontia effleure des rivages couverts de moissons. Mille autres, selon que leur élan les entraîne, veulent s’unir à toi : autant la masse de leurs eaux est grande, autant ces rivières empressées ont d’ambition pour cet honneur. Si Smyrne, si l’illustre Mantoue t’eût donné son poète, divine Moselle, le Simoïs tant vanté sur les plages troyennes te céderait la palme, et le Tibre n’oserait préférer sa gloire à la tienne. Pardonne-moi, Rome puissante ; repousse, je t’en conjure, et l’envie, et Némésis qui n’a point de nom dans la langue latine : les pères de Rome eux-mêmes ont placé là le siège de l’empire.

Salut, mère féconde en fruits comme en grands hommes, ô Moselle, toi qu’une illustre noblesse, toi qu’une jeunesse exercée aux armes, toi qu’un langage rival de la langue du Latium pare de tant d’éclat ! La nature a donné à tes enfants des mœurs douces et un esprit enjoué sous un front sévère : Rome n’est pas la seule qui puisse citer des Catons antiques ; Aristide, ce fidèle observateur de la justice et de l’équité, n’est plus seul digne de ce titre qui honore la vieille Athènes. Mais où vais-je, emporté trop loin par mes rênes flottantes, et subjugué par trop d’amour ? Je compromets ta gloire. Muse, renferme ta lyre, et que nos derniers vers résonnent sur ses cordes vibrantes. Un temps viendra où, charmant mes ennuis dans les travaux d’un obscur loisir, et réchauffant mes derniers beaux jours au soleil de la poésie, je chanterai, soutenu par la grandeur du sujet, les hauts faits de chacun des héros belges, et les vertus et les nobles gloires de ma patrie. Les Piérides me fileront des vers faciles et déliés, elles sèmeront ce fin tissu d’élégantes broderies, et la pourpre même sera donnée à nos fuseaux. Que ne dirai-je pas alors ? Je louerai la paix du laboureur, le