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spectacle dont l’oeil peut jouir en liberté. Quand l’azur du fleuve répète les ombrages de la colline, l’eau paraît avoir des feuilles, la rivière semble plantée de vignes. Quelle teinte colore les ondes lorsqu’Hesperus allonge les ombres du soir, et projette sur la Moselle la montagne verdoyante ! Tous ces coteaux nagent sous l’ondulation qui les balance, le pampre absent frissonne, et la vendange se gonfle dans le cristal des eaux. Le batelier trompé compte les ceps verdoyants, le batelier qui vogue en sa barque d’écorce au milieu des ondes, là où l’image de la colline se confond avec le fleuve, et où le fleuve reflète la limite des ombres.

Quels doux tableaux encore viennent charmer les yeux, quand les batelets que fait marcher la rame joutent sur les flots, décrivent mille détours, ou rasent sur les verts rivages les tendres herbes que les prés tondus laissent poindre encore ! A la vue de ces alertes patrons qui bondissent de la proue à la poupe, de ces jeunes rivaux qui s’ébattent sur le dos du fleuve, on oublie que le jour passe ; à ses travaux on préfère leurs jeux, et le plaisir présent efface les soucis de la veille. Tels sont les jeux que Liber contemple sur la mer de Cumes, en parcouant les coteaux cultivés du Gaurus sulfureux, et les vignes du Vésuve qui vomit la fumée, quand Vénus, dans la joie des triomphes remportés par Auguste près d’Actium, ordonne aux Amours folâtres d’imiter, en se jouant, ces combats furieux que les flottes du Nil et les trirèmes du Latium se livrèrent sous les remparts de Leucade l’Apollonienne ; ou quand, sur l’Averne mugissant, les barques eubéennes retracent la bataille de Myles, si fatale à Pompée : chocs innocents, luttes pour rire, dont la Sicile et Pélore sont les témoins, et dont la mer azurée répète la verte image. Tel est l’aspect que présente cette pétulante jeunesse, avec sa puberté, son fleuve, et les rostres peints de ses nacelle. Et lorsque le