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s’il faut en croire l’historien Zosime (iv, 36), la robe pontificale que le collége des grands pontifes alla lui présenter dans les Gaules. Ausone, en 379, pouvait donc encore, sans le blesser, lui adresser cette qualification toute païenne. Mais il est impossible de ne pas remarquer ici combien est fausse l’opinion de tant de savants critiques, qui ont prétendu qu’Ausone avait embrassé le christianisme. Un orateur chrétien, parlant à un empereur chrétien, aurait-il jamais eu la pensée de l’honorer d’un pareil titre ? J’ai relevé avec soin, dans le cours de ces notes, tous les passages qui avaient pu accréditer cette erreur, et j’ai prouvé qu’Ausone n’avait jamais été chrétien qu’en paroles, par calcul et par flatterie, dans l’intérêt de son ambition et de sa vanité. Grammairien, poëte et rhéteur de profession, il fut païen comme tous les maîtres de l’école l’étaient alors. Si, plus tard, il nous dit qu’il veut adorer Dieu, le Fils et le Saint-Esprit dans sa chapelle, c’est qu’alors il était précepteur de Gratien, et qu’il était bien forcé de prendre le langage et les habitudes de la cour, et d’aller à la chapelle avec les princes éternels, ses protecteurs ; s’il chante la Pâque et la sainte Trinité, ce n’est que pour amener l’éloge de la trinité impériale qui régnait alors ; si, à la fin de ce discours d’action de grâces, il fait une invocation au dieu des Chrétiens, ce n’est que pour le remercier, comme il remercierait Jupiter, si Gratien eût adoré Jupiter, d’avoir donné à cet empereur, le seul vrai dieu pour Ausone, l’excellente idée de revenir à Trêves afin d’assister en personne à la cérémonie de sa sortie du consulat ; si, plus tard encore, éloigné de la cour, et retiré dans ses terres, il retourne chaque année à la ville pour fêter les solennités de Pâques, c’est que les lois de Théodose lui en faisaient un devoir, et qu’il fallait bien se conserver en grâce auprès d’un empereur qui l’aimait, qui l’admirait, qui lisait et qui applaudissait ses vers. Il est donc évident que les critiques et les historiens modernes, tels que Tillemont, Bayle, les Bénédictins, etc., qui ont rattaché Ausone à la foi chrétienne, se sont trompés : s’il en fallait une dernière preuve, on la trouverait dans le silence de S. Ambroise, de S. Augustin, de S. Jérôme, ses contemporains, qui n’ont pas dit un mot de lui ; et certes ils n’auraient pas négligé un chrétien de cette importance, car ces chefs de la sainte milice comptaient tous leurs soldats, et ils en ont remarqué de moins célèbres et de moins considérables que lui.

17. Apud Sallustium Marius. Salluste, Jugurtha, c. lxxxv.

18. Tu, Gratiane. Il décompose le nom de Gratien pour