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ACTION DE GRACES POUR LE CONSULAT.

1. — Ce discours fut prononcé à Trêves à la fin de l’année 379 et du consulat d’Ausone, Coupé, qui l’a traduit un peu trop librement (Spicilége de littérature ancienne et moderne, 2{e}} part., p. 20 et suiv.), et qui admire tout ce qu’il traduit, en fait un grand éloge, qui n’a été accepté par personne. Un écrivain négligé et presque oublié aujourd’hui, Thomas, connaisseur exercé en fait de panégyriques, et juge compétent pour apprécier un rhéteur, s’est prononcé, dans son Essai sur les Éloges, ch. xxii, avec plus de sévérité et de justice contre ce discours, qu’il place bien au-dessous de l’éloge de Théodose par Pacatus. « L’ouvrage, dit-il, n’a aucun mérite pour le fond ; et à l’égard du style, il est quelquefois ingénieux, mais sans goût, sans harmonie et sans grâce. Ce n’est presque partout que des sons brisés et heurtés les uns contre les autres, un choc éternel de petites phrases qui se repoussent, des déclamations, des figures incorrectes, de l’exagération, enfin nulle noblesse dans les sentiments. On dirait que l’orateur est accablé sous le poids de l’honneur qu’il a reçu. Il ne savait pas qu’il y a une fierté généreuse qui honore le bienfaiteur même, et une bassesse de reconnaissance qui peut l’avilir. Par exemple, au milieu de son discours, il fait un long commentaire sur la lettre que Gratien lui a écrite, sur chaque mot dont il s’est servi, sur la robe qu’il lui a envoyée ; enfin, sur ce qu’en le nommant consul il l’a nommé le premier et non pas le second. Je sais bien qu’il y a dans Cicéron même de ces petits détails de vanité ; mais, dans l’orateur romain, ces faiblesses d’amour-propre sont relevées par la beauté du style, par une éloquence harmonieuse et douce. par une certaine fierté de sentiment républicain qui s’y mêle, enfin par le souvenir de ses grandes actions et le parallèle qu’il fait souvent de lui-même et de ses travaux avec ces grands de Rome endormis sous les images de leurs ancêtres, fiers d’un nom qu’ils déshonoraient, inutiles à l’État, et prétendant à le gouverner, rejetant tous les travaux et aspirant à toutes les récompenses. Il semble qu’un orgueil noble donne du ressort à la vanité, et lui communique un peu de sa grandeur. Mais ici on ne trouve rien de pareil ; c’est un esclave peu éloquent qui remercie son maître à genoux. On n’a d’autres dédommagements que quelques épigrammes et des jeux de mots. Du reste, tout est petit, faible et barbare. Il faut plaindre un siècle où, avec de pareils ouvrages, on parvient cependant à être célèbre. »