Page:Ausone - Œuvres complètes, trad Corpet, Tome II, 1843.djvu/125

Cette page a été validée par deux contributeurs.

qu’on a nommé la Vierge à cause de sa pudeur ? Au huitième livre de son Énéide, quand il décrit les amours de Vénus et de Vulcain, n’a-t-il pas mêlé, décemment il est vrai, la volupté à la pudeur ? Et au troisième livre de ses Géorgiques, à propos des accouplements dans le troupeau, a-t-il voilé d’une chaste périphrase une définition obscène ? Si donc quelqu’un de ces hommes aux dehors sévères, s’avisait de condamner nos gaillardises, qu’il sache qu’elles sont empruntées à Virgile. Ainsi, celui qui n’aime pas ce badinage, ne doit pas le lire ; s’il l’a lu, qu’il l’oublie ; et, s’il ne peut l’oublier, qu’il l’excuse. Car enfin il s’agit d’une noce ; et, qu’il le veuille ou non, cette cérémonie-là ne se fait pas autrement.


XIV. Les Roses.

C’était au printemps : la douce haleine du matin et sa piquante fraîcheur annonçaient le retour doré du jour. La brise froide encore, qui précédait les coursiers de l’Aurore, invitait à devancer les feux du soleil. J’errais par les sentiers et les carrés arrosés d’un jardin, dans l’espoir de me ranimer aux émanations du matin. Je vis la bruine peser suspendue sur les herbes couchées, ou retenue sur la tige des légumes ; et, sur les larges feuilles du chou, se jouer les gouttes rondes et lourdes encore de cette eau céleste. Je vis les riants rosiers que cultive Pæstum briller humides au nouveau lever de Lucifer. Çà et là, sur les arbrisseaux chargés de brouillards, luisait une blanche perle qui devait mourir aux premiers rayons du jour. On doute si l’Aurore emprunte aux roses son éclat vermeil, ou si le jour naissant donne à ces fleurs la nuance qui les colore. Même rosée, même teinte, même grâce matinale à toutes deux ; car l’étoile et la fleur ont pour reine Vénus : même parfum peut-être ;