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Afranius n’en donnerait pas un zeste, et Plaute n’en offrirait pas sa pelure de grenade. C’est une honte en effet que de prostituer à ce burlesque usage la majesté du vers Virgilien. Mais que faire ? On me l’avait ordonné ; et, par une manière d’injonction plus puissante encore, celui-là m’en priait, qui avait le droit de commander : c’est-à-dire l’empereur très-sacré Valentinien, homme érudit, à mon sens ; lequel un jour s’était ainsi amusé à décrire une noce, en vers habilement choisis, ma foi, et disposés avec esprit. Il voulut, dans un défi, éprouver à quel point il nous surpasserait, et il nous demanda une composition semblable sur le même sujet. Si je fus embarrassé, tu le comprends. Je ne voulais ni vaincre, ni paraître vaincu. Aux yeux des autres, je laissais voir une grossière flatterie, si je lui cédais le pas, et c’eût été une impertinence que de m’ériger en rival. J’ai donc accepté en semblant refuser, et j’ai eu le bonheur de conserver sa faveur par ma déférence et de ne pas le blesser par ma victoire. Ce poëme, écrit à la hâte en un jour et une nuit, je l’ai retrouvé dernièrement parmi mes brouillons, et telle est ma confiance en ta franchise et ton amitié, que je n’ai pas voulu soustraire, même ces vers ridicules, à ta sévérité.

Reçois donc un opuscule où, avec des morceaux décousus, j’ai fait un récit suivi, un tout avec des parties diverses, du burlesque avec des idées sérieuses, et avec le bien d’autrui le mien. Ne t’étonne plus maintenant de voir dans nos livres sacrés et dans nos fables Dionysus et Hippolytus, transformés, l’un en Thyonianus et l’autre en Virbius. Et si tu permets que je t’instruise, toi qui serais mon maître, je vais te définir le centon. C’est un échafaudage poétique construit de morceaux détachés et de divers sens ; on accole deux hémistiches différents pour en former un vers, ou on joint un vers et la moitié du suivant à la moitié d’un autre. Placer deux vers entiers de suite, serait une maladresse ; et trois à