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fit pour rendre l’aisance à Paulinus, et soutenir ses vieux jours, qu’il achève, à quatre-vingt-quatre ans, dans la contrition et la prière. Ainsi la famille d’Ausone, qui avait commencé par un astrologue, finit par un pénitent[1].

Les œuvres d’Ausone ont beaucoup occupé la critique, et ont été bien diversement jugées[2]. Entre tant d’opinions contradictoires, je choisirai celle de Bayle, qui me paraît la plus juste et, la plus vraie : « Il y a une extrême inégalité entre ses ouvrages, soit que ses muses fussent un peu trop journalières, soit que l’on ait inséré dans ses poésies quelques pièces qu’il n’avait fait qu’ébaucher, soit que des raisons particulières l’aient obligé à laisser courir des vers qu’il n’avait pas eu le temps de polir. Généralement parlant, il y a des duretés dans ses manières et dans son style ; mais c’était plutôt le défaut du siècle que celui de son esprit. Les fins connaisseurs devinent sans peine, que, s’il avait vécu au temps d’Auguste, ses vers eussent égalé les plus achevés de ce temps-là, tant il paraît de délicatesse et de génie dans plusieurs de ses écrits[3]. » Depuis Bayle, plusieurs travaux remarquables ont été faits sur Ausone, par les Bénédictins dans l’Histoire littéraire de la France[4] ; par Chr. G. Heyne, professeur d’éloquence et de poésie à l’université de Gœttingue, dans ses Opuscula Academica[5] ; par M. J.-J. Ampère, dans son Histoire littéraire[6] ; et enfin par M. J.-C. Demogeot, dans ses Études historiques et littéraires sur Ausone, où, considérant Ausone sous un double aspect,

  1. Il est fort probable que ce Paulinus fut le premier de cette famille qui embrassa le christianisme, et encore ne fut-il baptisé que fort tard, comme on le verra en lisant son poëme (v. 476). Il dit (v. 94 et suiv.), qu’il avait eu l’idée, tout jeune encore, de se vouer au Christ, mais que la volonté de ses parents s’opposa à ses désirs. Comment croire, après un témoignage aussi clair, qu’Hesperius, son père, ainsi que tous les membres de sa famille, aient été vraiment chrétiens, comme le prétendent Bayle, les Bénédictins et tant d’autres ?
  2. Les divers jugements portés sur Ausone ont été recueillis par Souchay et se trouvent à la tête de son édition, p. lvii.
  3. Bayle, Dictionn. histor., art. Ausone.
  4. Tome i, 2e part., p. 281.
  5. Censura ingenii et morum D. M. Ausonii, cum memorabilibus ex ejus scriptis. 1802. Cette critique se trouve insérée au tome VI des Opuscula Academica, p. 19 et suiv. Heyne résume en ces termes (p. 31) son jugement sur Ausone : Ausonii carmina a poetica vi, ingenii aliqua felicitate, sententiarum novitate, multum absunt. Versificatoris nomen ei concesseris, non poetæ. Sunt omnino parva voematia, effusa verius, quam elaborata, etc.
  6. T. i, p. 234.