Page:Aurel - Les Jeux de la flamme.djvu/25

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

chasteté qu’un mot d’enfant : « Quelle fatigue, vous le sais ? de rester loin de vous un peu longtemps… »

— « Ah ! mon pauvre petit héros, ma très Toute ! qu’elle me plaît ! » dit Pierre, oubliant de la priver de leur joie ; et les regards se prennent l'un à l’autre, le beau regard qui se contente éperdument, le regard nu de pleine intelligence.

Pierre encore pris à des habitudes, à des rites, vint s’agenouiller contre elle.

— Pourquoi, mais pourquoi ? lui dit-elle, ne comprenant vraiment plus rien à la vie, comme frappée d’absences.

D’un petit geste ivre d’aveugle, elle saisit sa main et fanatique la baisa. Il lui donnait un tel oubli dans la lumière, une si tendre négligence. Il leur semblait marcher sur des fleurs molles et sensibles, ils ne sentaient plus le poids de leurs gestes, ils ne s’étaient jamais connus si frivoles et purs, si fins parmi plus de silence et d’air.

— Je voudrais, dit Lisbé…

— Vous voudriez ? dit-il, en la touchant de son regard heureux…

— Je voudrais que vous dormiez là. Je voudrais votre sommeil sur mon bras…

Il tenta d’obéir. Si Lisbé n’avait le sommeil, elle avait au moins la tête chère. Elle suivait la joie errant sur le visage, la joie d’abord pensée, promise, puis aussitôt réalisée, agitée, frissonnante avant d’en avoir imaginé le désir, toute