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AMANTS
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Les amants sans preuves.

Ils obtiennent tout l’un de l’autre, parce qu’en eux l’exaltation qui devient leur climat est chargée de pouvoirs non employés.

Étant donné qu’en amour une seule chose ne prouve rien : c’est la preuve, ces amants sont donc les seuls étranges, curieux et dépendant du merveilleux. Je vais donc les interroger.

La femme y devient l’inspiratrice
et c’est Béatrice pour Dante quoique le poète ait eu à mettre tout en elle sauf la beauté. N’était-elle pas médiocre jusqu’à rire de Dante, de son trouble quand elle le vit du fond de la salle de réception entrer chez leurs amies, bouleversé, malade d’elle.

Elle n’était donc qu’une âme vulgaire. Il l’avait vue passer à neuf ans à Florence sur le pont de l’Arno et quel empire elle eut sur lui pour qu’il put en écrire plus tard : « Quand je voyais ton sourire, je ne me sentais plus un ennemi[1]. »

S’il la déifiée c’est de ne pas l’avoir eue.


« Aimer, dit Georges Polti,
c’est voir apparaître Dieu. »


Aimer sans prendre, oui.

Et l’on aurait la force de soulever le monde quand on trouve une inspiratrice si l’on rapprenait à s’en faire un culte.

Quant à Laure, la fine dame aux onze enfants, qu’on vit souvent à la messe avec eux, elle n’a pas

  1. Vita nuova.