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LE NOUVEL ART D’AIMER

chacun son devoir car elle voit dans le présent tel pli de l’avenir qui a bougé. Son impopularité vient de ce qu’elle le voit avant les autres. Au lieu de la bénir, chacun peste d’être dérangé dans sa torpeur et sa coutume ; tous piaffent et se cabrent à qui mieux mieux. Je vais donc répondre pour elle afin de mettre au pas ces poulains excités :

— Pourquoi je veux que ceux qui sont avec moi, ceux de ma maison, fassent leur devoir ? C’est que plus tard ils seront détruits de ne pas l’avoir fait.

— « Mes fils très bons ne m’écoutent pas, me dit un père exquis ; comme ils souffriront quand je mourrai ! »

C’est aussi que seul le devoir les prolonge : quel avorté celui qui ne rejoindrait pas sa raison d’être et sa fonction ! Le devoir seul est illimité, donc complet. Il tient compte de tout. Il est ouvert, il emmène le monde. Tandis que les manques, les failles, c’est-à-dire les lacunes sont des trous dans lesquels on ne peut que tomber plus ou moins éclopé.

Le devoir est ouvert à tout l’esprit. Les fautes sont fermées, bouchées d’erreur et de bêtise.

Et pourquoi, chers casaniers qui ne pouvez sortir de vos acagnardises, haïriez-vous le chef d’âmes, homme ou femme, qui veut vous prémunir ?

« La liberté, dit Aristote, c’est gouverner et être gouverné. » J’ajoute : le premier geste de liberté et de gouvernement c’est de voir le devoir et de le voir d’avance. « Ceux qui ne veulent pas se donner un chef, conclut Aristote, seront soumis par le chef des autres. »

Gouvernons notre amour, parents, comme le reste et recourons à Cassandra.