Page:Aunet - Voyage d’une femme au Spitzberg, 1872.pdf/99

Cette page a été validée par deux contributeurs.
87
AU SPITZBERG.

le toquet, d’une assez haute dentelle de fil d’argent. Cet accessoire de toilette, quoique fort baroque, produit un très-joli effet sur ce costume de nuances sombres.

Le costume de tous les jours est plus simple : les hommes s’enveloppent dans de longues redingotes et se coiffent de bonnets de laine rouge taillés et posés comme le bonnet phrygien, de sanglante mémoire chez nous ; les femmes portent la robe de laine foncée très-longue, le grand tablier de coton bleu ou rouge, et le béguin noir, qui sied parfaitement à leur chevelure d’or pâle.

Je fis emballer soigneusement mes deux déguisements, et j’y joignis trois peaux de loup blanc, produits de la chasse du fils de la maison, qui me les céda pour trente-cinq francs. Quelque connu que soit le loup blanc en France, il s’y vendrait plus cher.

Encore un peu étourdie par la fièvre, je fis, je ne sais trop comment, la route jusqu’à Kongswold ; il me sembla seulement que nous tournions indéfiniment dans une plaine rousse et aride. À Kongswold, point de chevaux ; par extraordinaire, une maison sale ; puis des enfants criaillant autour de nous et mon cocher vociférant contre le paysan, qui refusait de se déranger pour aller chercher ses bêtes, sous prétexte qu’elles étaient trop loin : c’était plus qu’il n’en fallait pour me faire fuir. Je laissai mes gens s’enrouer à l’envi, et je fis quelques pas aux alentours du gaard. Malgré mon malaise et mon humeur, je restai frappé de la beauté neuve, farouche, abrupte du vallon de Kongswold. La maison est posée au pied d’une demi-lune de montagnes hérissées de rochers