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AU SPITZBERG.

dessus des roues de devant, il devint impossible de lui faire faire un pas de plus sans l’alléger ; sur les observations du guide, tout le monde descendit, et je dus ainsi continuer la route à pied. La chose n’était pas facile ; la neige, amollie par quelques douces journées, n’avait plus aucune consistance ; on y enfonçait jusqu’aux genoux, et souvent l’endroit où on posait le pied se détachait d’un seul bloc, et on allait rouler dans quelque crevasse, heureusement peu profonde. Pendant deux lieues, il nous fallut lutter à chaque pas contre ces petites avalanches, et nous arrivâmes à Fogstuen, gaard situé sur un des plateaux les plus élevés du Dovre, dans un état d’épuisement complet. Je dus faire comme tout le monde, me réconforter avec un verre d’eau-de-vie de grain qui me fit l’effet du meilleur nectar du monde.

Assez près de Fogstuen, plusieurs cascades se rencontrent et forment un beau et large torrent dont ou nous avait vanté les sinuosités pittoresques ; nous le cherchâmes sans le trouver ; bien plus, notre guide fut longtemps à découvrir le pont de bois sur lequel nous le devions traverser : poteaux indicateurs, torrent, pont, tout était enseveli sous la même couche de neige. Cependant il fallait avancer ; après un minutieux sondage, le pont fut reconnu et la voiture passa. Arrivés sur l’autre bord, nous vîmes à dix pas de nous le grand poteau désignant la tête du pont : le guide s’était trompé, nous venions de passer sur un pont de neige !

Je me sentis pâlir, en comprenant l’imminence du danger auquel nous venions d’échapper ; l’idée