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VOYAGE D’UNE FEMME

son horrible course ; puis, m’accrochant aux branches d’arbres, aux pierres, aux ronces du précipice, je parvins à en sortir avec des peines infinies. Je m’assis, épuisée, sur le bord de la route, et, plongeant mes regards dans le gouffre, j’y aperçus la calèche ; vue ainsi, elle faisait l’effet d’une cage d’oiseau accrochée à un vieux mur.

Tandis que le cocher et le guide délibéraient sur le parti à prendre pour obtenir des secours, je vis venir à nous un jeune officier norwégien assis sur une de ces voitures du pays composées d’une sorte de fauteuil posé sur un large train ; le jeune homme, bien enveloppé dans son manteau ciré, fumant une longue pipe à bout d’ambre, s’en allait rapidement et commodément à Drontheim. Mon domestique s’approcha de lui et raconta en quelques mots notre accident. L’officier s’arrêta un moment, l’écouta patiemment et froidement, puis fouetta son cheval et continua sa route, après m’avoir examinée avec plus de curiosité que d’intérêt. Je devais être horrible ; mon visage était enflé par les contusions, pâli par la frayeur, et mes vêtements froissés, mouillés, souillés de boue, complétaient un ensemble peu gracieux.

On me le prouva bien !…

Il fallait donc nous tirer d’affaire tout seuls. Le cocher nous y aida : il enfourcha le cheval le moins écloppé, et s’en fut à Laurgaard chercher du monde. Heureusement c’était un dimanche, jour où tous les hommes d’un gaard se réunissent pour jouer et fumer. Après deux heures qui me parurent mortellement longues, notre émissaire revint avec quinze hommes munis de cordes. On déchargea la calèche ;