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VOYAGE D’UNE FEMME

les chambres d’auberges, en France. Les femmes, relativement plus grandes que les hommes, ont un éclat de teint magnifique et paraissent pour cela souvent jolies sans l’être. Elles ont beaucoup d’enfants, et, malgré le calme de leurs habitudes, semblent vieilles de bonne heure.

Voici la silhouette des personnages qui me sont apparus ; quant au croquis du paysage, il serait très-compliqué à faire autrement qu’avec un crayon.

À quelques lieues au delà de Lille Hammer, on entre dans la pittoresque province du Guldbransdal ; la route, taillée à pic au-dessus d’un précipice, se met à courir sur le versant d’une montagne, au pied de laquelle écume et bouillonne une rivière-torrent appelée le Lougen. De l’autre côté du Lougen se dresse une autre montagne plus haute, plus âpre, plus sombre encore que celle que l’on gravit ; d’innombrables cascades jaillissent de ses escarpements et vont rejoindre le torrent. Tout cela est très-sauvage et très-beau. Un album seul raconterait bien cette pittoresque et agreste Norwége ; j’en suis trop convaincue pour vous faire beaucoup de descriptions, et je passe tout de suite à un incident digne de la narration.

Un dimanche matin, vers dix heures, comme nous allions gagner une poste nommée Laurgaard, je sommeillais à demi au fond de la voiture, dont j’avais fait relever la capote à cause d’une petite pluie fine et glaciale qui commençait à tomber. Nous étions tous dans cet état d’engourdissement où plonge la fatigue compliquée de froid et d’ennui, lorsque tout à coup la côte roide que les chevaux gravissaient pénible-