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VOYAGE D’UNE FEMME

pour faire une boîte capable de contenir la ville tout entière et ses vingt-quatre mille habitants. Innombrable est bien le mot, à propos des bois de sapin de Christiania. Les propriétaires de ces magnifiques forêts, qui fournissent des mâts à la marine du monde entier, ignorent eux-mêmes le nombre de leurs arbres ; ils les font abattre, détailler, marquer de leur nom, puis conduire au cours d’eau le plus voisin, où on les précipite. Alors, sous la garde de quelques mariniers, ils descendent à Christiania. Les trains arrivés au port, un inspecteur trie les arbres, reconnaît les marques, en envoie le compte au correspondant du propriétaire, et celui-ci les débite et les négocie comme il l’entend. Quoique ces bois franchissent ainsi d’énormes distances, il ne se commet pas d’infidélités. Mariniers, inspecteurs, agents, tout le monde fait preuve de la plus extrême probité, et aucune comptabilité n’est chargée du contrôle des uns sur les autres.

S’il n’y a pas de mauvaise foi dans le commerce d’un pays, on peut conclure que les voleurs y sont rares, et ceci est particulièrement juste pour la Norwége ; pourtant, à mon arrivée à Chistiania, le lion du jour, l’homme qui occupait toutes les conversations, était un voleur de grands chemins, mais un voleur épique, digne des honneurs du récit, voire de l’illustration sur papier bleu et de la complainte en vers blancs. L’homme en question, connu en Norwége comme Cartouche à Paris, ou Fra Diavolo en Calabre, se nommait Ouli-Eiland. À ce moment, il était âgé de vingt-neuf ans, avait cinq pieds six pouces et une santé imperturbable. Du reste la chronique