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AU SPITZBERG.

phage, ni une momie ; je vous les passe. Je m’arrêtai pourtant avec intérêt devant une colossale statue d’Anubis taillée dans un bloc de granit noir du poids de dix mille livres : le Dieu-chien est assis tout roide, formant un angle parfait comme toutes les idoles égyptiennes ; ses bras sont collés le long de son corps et se rejoignent devant lui ; la vie est concentrée dans sa tête de chien, singulier mélange de formes animales et de physionomie humaine ; on le regarde, et il vous arrête comme une énigme de pierre, et on pense aux générations qui ont passé déjà devant ce visage ironique et impassible et à toutes celles qui passeront encore, le trouvant toujours le même, indéchiffrable et indestructible.

Après Paris, Versailles ; après Berlin, Potsdam ; la proportion est à peu près gardée entre les deux résidences royales comme entre les deux capitales ; le Château-Neuf de Potsdam a coûté, dit-on, vingt millions de thalers, ce qui répond aux innombrables millions engloutis par Versailles, comme le nom de Frédéric II répond à celui de Louis XIV. Si Potsdam a l’infériorité en magnificence, il a l’avantage en monnaie : Potsdam renferme deux palais, il en a trois autres à ses portes ; aussi l’appelle-t-on les Cinq-Châteaux. Sans-Souci, le Château-Neuf et le Palais-de-Marbre sont les plus remarquables de ces demeures royales. Le Château-Neuf fut bâti par le grand Frédéric après la guerre de Sept ans, pour prouver, disait-il, qu’il n’était pas ruiné ; jamais protestation ne fut plus énergique. Le Château-Neuf est une habitation digne du prince le plus magnifique ; les jardins sont superbes, les salons dorés