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VOYAGE D’UNE FEMME

Bien nous en avait pris de nous tant hâter, nous entrions à Ystad au moment où le bateau à vapeur chauffait sa machine, et ce bateau était le dernier qui dût faire le trajet cette année. À partir des premières glaces, les correspondances par mer sont interrompues, et Stockholm reçoit ses lettres par le Danemark. Ystad est un petit port à la pointe sud de cette immense presqu’ile qui comprend la Suède et la Norwége ; il est éloigné d’Helsingborg, où je posai pour la première fois le pied sur la grande terre du nord, de quelques milles ; j’ai donc fait bien complétement mon tour de Suède, puisque, ayant monté les côtes à l’ouest, je les ai descendues à l’est, et sous ce rapport je prétends en remontrer aux Suédois eux-mêmes, plus curieux, s’ils voyagent, de venir voir Londres ou Paris, que d’explorer leurs huit cents lieues de côtes.

Tandis que l’alerte hôtesse d’Ystad mettait rapidement à la broche son meilleur poulet à notre intention, je regardai par la fenêtre de l’auberge et crus avoir sous les yeux une décoration d’opéra-comique. Une foule élégante, bariolée et pimpante, bourdonnait joyeusement sur une place entouré de maisons proprettes enjolivées de peintures. Des papiers, des chevaux, des baraques de toile et de bois encombraient le terrain ; c’était jour de foire, et de plus fête au pays. Il fallait voir les belles robes, les colliers d’argent, les fines toiles à jour, les broderies de laine et tous les coquets ajustements qui s’étalaient là ! Ah ! cette fois les armoires, si discrètes pour moi, s’étaient enfin ouvertes, et avant de quitter ce beau pays dont j’avais si bien vu les paysages, je pouvais