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AU SPITZBERG.

nent un petit nombre d’œuvres assez choisies ; celui des antiquités scandinaves est aussi curieux, mais moins riche que le musée de Copenhague. Le musée qui m’a le plus intéressée n’est pas dans le palais : c’est un musée d’un genre inconnu chez nous, un musée de souvenirs, si je puis ainsi m’exprimer ; il offre la collection des vêtements historiques des souverains de la Suède, particulièrement de ceux qu’ils portaient le jour de leur couronnement et le jour de leur mort.

Cela présente un intérêt profond ; un semblable musée serait bien précieux chez nous. Quel prix aurait à nos yeux la toque qui couvrait le front de François Ier devant Charles-Quint, le pourpoint percé par Ravaillac, le manteau de Louis XIV le jour de son sacre, ou seulement la redingote de Napoléon à Sainte-Hélène[1] !… Depuis de longues années les Suédois mettent à exécution cette pensée nationale, et réunissent dans des armoires formées par de grandes glaces tous ces vêtements, dont quelques-uns sont des reliques historiques. J’ai vu la chemise de Gustave-Adolphe à Lutzen ; le corps est déchiré, les manchettes sont en lambeaux, et partout le sang du héros de la guerre de Trente ans forme de larges taches devenues brunes par le temps. Près de là est le costume entier de Charles XII le jour de sa mort ; je remarquai surtout son large chapeau de feutre tout bossué ; sur le devant, on voit le trou rond de la balle qui perça cette cervelle si fière, si héroïque et si

  1. Un musée analogue a été récemment formé au Louvre ; il n’existait pas lors de mon séjour en Suède.