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VOYAGE D’UNE FEMME

de l’augmentation du froid par le bruit avec lequel le bois dont toutes les maisons sont bâties se fendait. À voir la solitude qui régnait dans les rues, on eût dit que tous les habitants étaient morts ; enfin on voyait à Torneä des gens mutilés par le froid, et les habitants de ce climat perdent quelquefois le bras ou la jambe. Quelquefois il s’élève tout à coup des tempêtes de neige, et c’est un nouveau péril ; il semble que le vent souffle de tous les côtés à la fois ; il lance la neige avec une telle impétuosité que tous les chemins disparaissent. Le voyageur surpris par un ouragan de cette espèce voudrait en vain se retrouver par la connaissance des lieux ou les marques faites aux arbres ; il est aveuglé par la neige, et englouti s’il fait un pas. »

Et Torneä est à vingt-deux jours de marche du cap Nord, et à 14 degrés de la baie Madeleine, d’où nous venons ! Je ne puis plus songer sans frémir à ce que nous fussions devenus dans un hivernage dont Dieu nous a sauvés !

J’ai cité cette description de Maupertuis, parce qu’elle est, m’a-t-on dit dans le pays même, parfaitement exacte. Dans d’autres circonstances, je me suis abstenue d’appeler à mon aide le témoignage des voyageurs, craignant de tomber sur des hâbleurs tels que Regnard, qui écrivit à Sakajervi, à huit milles de Torneä, quelques vers emphatiques terminés par celui-ci :

Sistinus hic tandem, nobis ubi defuitorbis.

Regnard, 18 août 1681.

« Nous nous arrêtons enfin ici, où la terre nous a manqué. »