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VOYAGE D’UNE FEMME

toie la Torneä, dont le cours devient très-majestueux en approchant de son embouchure ; à droite, la vue est bornée par une forêt de sapins coupée à de rares intervalles par des champs de lin ou d’orge. Tout cela est d’un calme un peu monotone ; néanmoins la route me parut charmante, tant j’étais dominée par la joie de me sentir sur la terre ferme ; notre cheval, plus gai encore que moi, trouva bon de nous verser dans un fossé ; mais, comme fort heureusement notre véhicule n’avait pas de ressorts, nous en fûmes quittes pour un saut prodigieux et un retard d’une heure ; le soir même nous entrions dans Haparanda.

À Haparanda, miracle du progrès ! je trouvai une auberge ! Je ne voulus rien voir, rien entendre, rien manger avant d’être dans un lit. Depuis vingt-deux jours je ne m’étais pas déshabillée pour dormir ! Il faut avoir éprouvé nos fatigues, subi nos longues privations, pour comprendre comment un lit devient la chose du monde la plus impérieusement désirable.

J’expliquai mon vœu à la maîtresse de l’auberge, et, sur un mot d’elle, une grande fille blonde et fraîche me conduisit par un escalier de bois resté blanc à force de propreté, dans la plus belle chambre de la maison. Les voyageurs sont précieux et rares à Haparanda ; pour ce motif, sans doute, on les loge dans des espèces de boîtes ; celle dont je pris possession était toute petite, avec des boiseries lilas rechampies de filets jaunes et des meubles peints en blanc relevés de filets et d’ornements vert tendre ; le papier découpé de cette boîte de