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VOYAGE D’UNE FEMME


Je veux un instant près du bois
Écouter chanter l’alouette
Et fouler encore une fois
La mousse où croit la violette ;
Je veux respirer les senteurs
Des forêts au vent balancées ;
Je veux revoir toutes mes fleurs :
Les roses sont sitôt passées !

Si ma mère s’inquiétait,
Dis, ma sœur, que je suis allée,
Tandis que chacun s’apprêtait,
Cueillir des fleurs dans la vallée ;
Embrasse-moi, je veux jouir
Des heures qui me sont laissées ;
Je puis tarder à revenir…
Les roses sont sitôt passées ! »

Aux bords du lac elle arriva ;
Un homme était assis dans l’ombre ;
Sur la jeune fille il leva
Un long regard, mais froid et sombre ;
Sur son front triste l’on voyait
Empreintes ces mornes pensées :
« Ô mon Dieu ! le bonheur me hait !
Les roses sont trop tôt passées ! »

S’approchant doucement de lui :
« Pourquoi, mon bien-aimé, dit-elle,
Cet éclair sauvage a-t-il lui
Dans ton regard ? Je suis fidèle.
N’es-tu pas maître de mon cœur ?
Si mes douleurs sont effacées,
Le chagrin causa ma pâleur,
Les roses sont sitôt passées !

— Quoi, tu parles de tes serments ?
Tu viens à moi, calme et joyeuse ;
Adieu, va, je sais que tu mens ;
Aux bras d’un autre sois heureuse !