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AU SPITZBERG.

gues et minces, les réunit en faiscaux, puis, en faisant entrer un paquet dans chacun des anneaux de fer, elle y mit le feu, et une vive lumière se répandit dans la salle. Une longue habitude doit être nécessaire pour se livrer à un travail quelconque avec ce singulier éclairage, tant il varie dans son intensité ; il produit du reste un effet bizarre et amusant : les lueurs du feu si vacillantes donnent à tous les objets des aspects fantastiques, les couleurs miroitent étrangement ; les contours se dérangent, et les choses inanimées prennent une vie factice sous ces reflets multipliés et changeants. Cette manière d’éclairer les chambres finlandaises m’expliqua pourquoi les murs n’étaient blanchis qu’à hauteur d’homme et pourquoi on ne fait pas de plafonds ; le haut des murailles est abandonné à la fumée ; elle le badigeonne d’une belle couleur noire ; de cette façon, les chambres sont mi-partie noires et blanches et comme en deuil ; cela leur donne une physionomie tout à fait étrange. À la nuit close, le personnel masculin de la ferme rentra ; il se composait de quatre jeunes hommes et d’un vieillard, mari de la fileuse ; à leur arrivée il fallut recommencer, au profit de leur curiosité, le récit de mon aventure ; puis une servante prépara le couvert et posa sur la table un large quartier de veau rôti accosté d’un grand fromage et d’un immense pot rempli de lait. Je fus conviée à prendre ma part de ce festin, et j’y consentis volontiers ; j’étais encore à la table hospitalière de ces braves fermiers, quand ma bonne chienne, ramenée par mon mari, fit joyeusement irruption dans la salle ; elle bondit, jappa, hurla, me lécha follement et me donna tous les