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VOYAGE D’UNE FEMME

vernissé à fleurs peintes que la Russie envoie partout comme un échantillon de son goût semi-barbare, semi-asiatique. Une table de sapin, huit ou dix escabeaux et un métier à tisser complétaient l’ameublement. La fenêtre basse et garnie de verres troubles jetait un jour terne sur cet intérieur simple et nu ; heureusement la grande cheminée, où brûlaient royalement trois grosses bûches posées en hauteur, envoyait de joyeux reflets autour d’elle.

Après m’avoir curieusement examinée, la vieille hôtesse se remit à filer à la quenouille ; bientôt je vis entrer une jeune fille de dit-huit à vingt ans, grande, robuste, avec des cheveux blond pale et des yeux bien clair, qui, après avoir écouté avec étonnement le récit de sa grand mère, se plaça devant le métier et se mit à tisser avec une force et une rapidité particulières. Je m’approchai pour examiner son travail ; elle me le montra avec une complaisance ou perçait l’orgueil de son adresse, elle fabriquait une grosse étoffe de laine à larges raies de couleurs éclatantes, très-semblable à ces couvertures espagnoles dans lesquelles se drapent les muletiers : ces étoffes, d’une originalité si gaie, me semblent faites pour les regards d’un beau soleil, et non pour les brumes des contrées du Nord. Tout en regardant travailler mon adroite hôtesse, j’étais fort préoccupée d’un détail d’ameublement dont je ne vous ai pas parlé ; je voyais sortir de la muraille, de distance en distance, des broches de fer terminées par un large anneau, et je ne pouvais m’en expliquer l’usage : c’étaient des candélabres ; je le vis lorsque le jour tomba. La jeune fille prit dans un coin des bûchettes de sapin lon-