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AU SPITZBERG.

l’animal produisant cette matière était une espèce de ver, elles accueillirent l’explication avec un rire ironique et blessé ; évidemment elles croyaient découvrir que je me moquais de leur simplicité.

Sentant bien l’impossibilité de justifier de ma bonne intention, je changeai de discours et fis à la vieille mère des compliments sur sa vigueur et sa bonne santé ; elle accueillit mes paroles d’un air très-satisfait, et répondit sentencieusement : « Je me porte bien, quoique vieille ; ce n’est pas étonnant, la jeunesse ne fait la santé ; car ma fille cadette a soixante-quinze ans, et elle est cependant souvent malade ! » Cette jeune fille de soixante-quinze ans me semble une bonne naïveté de centenaire.

En faisant causer mes deux vieilles, j’appris que l’extrême longévité n’est pas rare en Laponie ; on y atteint souvent l’âge de quatre-vingts ans, surtout dans le canton de Kautokeino, où l’air est particulièrement pur. Les Lapons sont peu sujets aux infirmités ; la seule dont ils soient fréquemment atteints est la cécité, produite par la double cause de la neige, qu’ils voient sans cesse au dehors, et de la fumée, qu’ils trouvent toujours au dedans de leurs habitations.

Comme je m’étonnais de n’avoir vu aucun Lapon marqué par la petite vérole, l’interprète m’assura que les rennes portent, comme les vaches, autour des mamelles, le bienfaisant virus du cow-pox (vaccin), et, comme les hommes et les femmes se livrent au soin de les traire, sans doute ils sont préservés de la petite vérole par cette vaccination accidentelle. Ils ne sont pas à l’abri d’une autre contagion plus