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VOYAGE D’UNE FEMME

où l’on aurait pied, poussant de petits cris pour nous faire avancer, grognant sourdement lorsqu’il découvrait un danger ; ce pauvre sauvage était bien réellement notre chef alors ; c’était de lui que dépendait notre salut, et ses encouragements étaient seuls capables de donner à nos hommes l’énergie désespérée dont ils avaient besoin. À la fin du jour, les hommes allaient encore, les chevaux ne voulaient plus avancer ; ils s’arrêtaient épuisés, il fallait les traîner par la bride ; et ils avaient fait cinq lieues en quatorze heures ! lorsque enfin nous trouvâmes au pied d’une colline un petit espace de terrain solide et quelques broussailles de bouleau, personne n’eut la force de monter sur la pente afin de chercher une place un peu sèche ; on s’arrêta au bord même du marais, et, sans prendre le temps de manger, on se laissa tomber sur les peaux de rennes ; notre harassement était si complet que, malgré nos vêtements chargés d’eau, malgré la pluie, malgré le froid, nous fûmes tous bientôt profondément endormis.

Telle quelle, cette halte nous avait rendu des forces ; au matin, nos chevaux se mirent à brouter péniblement les feuilles et l’écorce des bouleaux malingres. J’allai explorer les environs de notre campement.

Au sommet de la colline, je découvris l’aspect étrange du pays qui nous environnait. Je constatai d’abord avec joie l’absence de marais ; la terre était couverte d’une épaisse couche de mousse de renne. Cette mousse, jaune-soufre, semblait un tapis posé sur le sol ; de maigres bouquets de bouleaux élevaient de distance en distance leurs rameaux noircis,