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VOYAGE D’UNE FEMME

Je me suis assise sur de maigres coussins, rembourrés de foin, ayant à ma gauche un Hollandais fumant un cigare, et devant moi deux Hollandais fumant dans de grosses pipes. Enfermée comme je l’étais dans cette tabagie, je n’eus d’autre ressource, pour échapper à la migraine, que de rester obstinément la tête à la portière, et je ne m’en repentis pas. La route de la Haye à Amsterdam semble une promenade dans un jardin anglais ; le pays est parsemé de maisons de campagne qu’on prendrait facilement pour les kiosques ou les chalets d’un parc immense, tant elles sont coquettes, mignonnes, fleuries et bien enluminées. Du haut de mon observatoire, je voyais par-dessus les haies et plongeais dans les jardins, dont j’aurais pu effleurer les arbustes avec la main ; mille parfums exquis s’élevaient des parterres et combattaient victorieusement les exhalaisons désagréables de mes fumeurs. Dans cette course à vol d’abeille au-dessus des jardins, je pus constater le nombre considérable de grandes fortunes hollandaises. Ce n’était ni dans l’élégance des habitations ni dans la magnificence des plates-bandes que se révélait pour moi l’opulence du propriétaire ; non, c’était par la quantité de monticules m’apparaissant dans chaque enclos. Sur ce tapis de billard qui forme le sol des Provinces-Unies (et, si vous me permettez un mauvais jeu de mots, je dirai que jamais provinces ne furent plus justement appelées unies), sur cette terre classique des prairies, un mouvement de terrain n’existe qu’autant qu’on le crée, de là l’ambition de tout propriétaire de doter son parc d’une colline, d’une ondulation, d’une