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VOYAGE D’UNE FEMME

et divers petits ustensiles avec ses cornes. Lorsqu’il change de résidence, lorsqu’il quitte la côte pour le bois, la plaine pour la montagne, le renne est encore là, serviteur fidèle et robuste ; on l’attelle au traîneau, et il entraine, avec une admirable rapidité, le maître, les enfants, la maison, toute la vie, qui se transplante suivant le caprice de l’humeur du Lapon nomade. Ajoutez à cette immense dose d’utilité que le renne est un magnifique animal, grand, vigoureux, vif, agile, beau à regarder au repos, plus beau à regarder courir ; c’est un cerf, vous le savez, mais ayant dans l’aspect les caractères de force qui manquent aux gracieux hôtes de nos forêts : si j’osais bien faire comprendre ma pensée par une comparaison prise dans le domaine de l’art, je dirais que le renne est au cerf ce qu’une des belles Italiennes du Titien est à une figure vignette de keepsake.

Les rennes perdent leur bois tous les ans, et, quand on voit les gigantesques rameaux de leurs andouillers, on s’étonne qu’une année suffise pour une pareille croissance. Le bois de l’animal s’étend derrière le front sans s’élever perpendiculairement ; il se déploie plutôt vers sa croupe, et souvent il est presque aussi long que lui. Les femelles ont un bois peu différent de celui des mâles.

Les rennes de ce second campement étaient infiniment plus nombreux que ceux du campement précédent. Je pensai que nous nous trouvions parmi des Lapons riches ; deux robes de wadmel bleu, bordées de bandes blanches et rouges, dont étaient vêtus nos premiers interlocuteurs, me confirmèrent dans ma première opinion. Je ne me trompais pas ; c’étaient