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VOYAGE D’UNE FEMME

je me mis en devoir de procéder à une toilette plus complète que je ne pouvais la faire au milieu des hommes de notre escorte. Tant que je me coiffai et fis des ablutions sur mon cou, mon visage et mes mains, les deux femmes se contentèrent de me regarder de tous leurs yeux ; mais, lorsque je fis mine de me déshabiller complétement pour changer de linge, elles sortirent précipitamment en manifestant un effroi singulier. Pendant plusieurs minutes, je restai stupéfaite, ne m’expliquant pas le motif de leur crainte ; tout à coup mon costume masculin me revint en mémoire, et je ne pus m’empêcher de rire aux larmes de leur méprise ; leur susceptibilité sur ce point était assurément bien éveillée : car mon aspect, ainsi vêtue, était celui d’un redoutable cavalier de douze ans. Cet incident, qui m’amusa très-fort, répond, ce me semble, avec autorité, aux accusations calomnieuses répandues sur ces honnêtes Laponnes par le poëte Regnard.

Après avoir paisiblement terminé ma toilette, je sortis de la tente et trouvai toute une bande de Lapons environnant notre troupe voyageuse. Les hommes jetèrent un coup d’œil anxieux de mon côté ; mais, à l’expression de leur physionomie, je dus croire qu’ils avaient été à mon égard plus perspicaces que les femmes. On criait fort de part et d’autre à mon arrivée ; une discussion entamée entre notre domestique et un vieux Lapon, passant avec difficulté par l’interprète finlandais, menaçait de ne pas arriver à bonne fin. François épuisait sa rhétorique norwégienne, qu’il appuyait d’un répertoire de gestes expressifs ; le vieux Lapon, façon de patriarche tanné,