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AU SPITZBERG.

reuses et les plaines boueuses. Quand on traverse les premières, si le soleil vient un moment à percer les nuages, l’immensité de l’horizon, l’aridité du sol, la teinte roussâtre des broussailles, les font ressembler au grand désert ; ainsi le proverbe a raison : les extrêmes se touchent. Ce qui est inimaginable, c’est la quantité de torrents, de rivières, d’étangs, de lacs, de mares, de ruisseaux, qui coupent le pays en tous sens ; si un jour le niveau de toutes ces eaux montait un peu, la Laponie ne serait plus qu’un lac de cent cinquante lieues carrées. Ce pays a dû être témoin d’étranges bouleversements, de cataclysmes violents ; car nous rencontrions souvent des monceaux de pierres rondes et blanches comme des œufs monstrueux ; c’étaient évidemment les galets gigantesques de quelque torrent diluvien. Ces pierres avaient souvent la circonférence d’une roue de voiture ; quelle force avait-il fallu pour les polir comme des boules de marbre ! Les paysages les plus agréables étaient ceux où nous trouvions le sol couvert de cette précieuse mousse de renne qui nourrit les troupeaux du Lapon nomade. La mousse de renne est un lichen, comme l’indique son nom (lichen rangiferinus) ; cette plante a beaucoup d’analogie comme forme et comme couleur avec la salade d’escarole bien mûre ; elle est exactement de ce jaune tendre du cœur de la salade.

Le 6 septembre, en descendant du penchant d’une colline au bord d’un petit lac limpide où nous voulions faire boire nos chevaux, nous aperçûmes au loin un campement lapon ; la curiosité me poussant et le terrain se trouvant assez bon, je mis mon che-