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AU SPITZBERG.

une meilleure journée, et, en effet, pour premier bonheur, nous quittâmes nos marais fangeux pour un terrain sec. Nous nous trouvions alors dans une plaine qui s’étendait à perte de vue ; le sol était couvert de larges pierres grises, plates et s’enlevant par lames comme l’ardoise ; ces pierres étaient si rapprochées qu’il nous semblait marcher sur une route dallée, mal dallée toutefois, car à chaque instant nos chevaux trébuchaient en se prenant les pieds dans quelque fente. Quand on rencontrait une inclinaison du terrain, les larges pierres s’appuyaient les unes aux autres par couches horizontales, imitant un vaste escalier : ce devait être le lit de quelque torrent disparu. Nous avancions au moins par ce rude chemin, et cette conviction donnait de la gaieté à chacun de nous ; à cela près des détours, inévitables dans un pareil pays, nous marchions presque directement du nord au sud, et déjà le troisième jour nous pouvions nous en apercevoir. La végétation prenait plus de vigueur, et les broussailles de bouleaux qui, dans notre première journée, rampaient sur la terre, commençaient le soir du troisième jour à ressembler à de petits taillis de deux pieds de hauteur. Remarquez qu’il ne faut pas faire acception du bois voisin de Kaafiord dont je vous ai parlé ; il représente une oasis exceptionnelle en Laponie, et doit sa beauté à son heureuse situation encore favorisée par le voisinage de la mer : car, vous le savez, le voisinage de la mer adoucit toujours la température dans les hautes latitudes. Nous fûmes donc, dès le troisième jour, campés au milieu d’un bois nain ; tous ces petits arbres avaient un étrange aspect quand on les aper-