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VOYAGE D’UNE FEMME

vait fort dépaysé en Laponie. Ces traîneaux, au moment où nous les rencontrions, me firent l’effet d’une attention de la Providence ; rien ne pouvait m’être plus agréable, transie comme je l’étais, que la perspective d’un lit sec, ou à peu près. J’aidai gaiement aux préparatifs de notre souper, et je m’amusai à regarder les œuvres de l’industrie de notre ami Abo ; gêné comme nous par la pluie, il avait imaginé, pour se garantir, de se faire un bonnet imperméable avec de l’écorce de bouleau, et cela lui avait fort bien réussi ; lorsqu’il s’assit pour souper, il fabriqua une assiette de cette même écorce de bouleau, et avait l’air très-satisfait de la façon dont se comportaient dans cette vaisselle improvisée l’huile de poisson et le morceau de saumon salé qui composaient son repas. Je lui envoyai une tranche de jambon dans un de nos vases d’étain, il accepta la viande et refusa le plat, disant qu’il préférait le sien. Orgueil d’inventeur, où ne te niches-tu pas !

Le souper terminé, on dressa la tente et chacun s’arrangea du mieux qu’il put. Je fus la moins malheureuse ; car, étant la plus petite de notre bande (j’en excepte Abo, qui dormit à la belle étoile), je pus entrer à peu près dans l’un des traîneaux, je me fis un oreiller d’un sac de cuir, et je n’aurais pas été trop mal si, la pluie ayant traversé la tente, je n’avais senti constamment des gouttes d’eau glacée me tomber sur le visage ; ce petit supplice me tint éveillée toute la nuit, et le lendemain je me trouvai plus fatiguée que la veille.

À six heures, lorsque je sortis à grand’peine de mon sabot, nous étions complétement environnés de